lundi 7 janvier 2013

Le silence des gens bien


Le chanteur Didier Awadi a utilisé cet extrait du discours de Norbert Zongo dans son dernier album "Présidents d'Afrique", comme à son habitude, pour nous réveiller de notre léthargie postcoloniale. Je crois que si on substitue "France" par "Occident", les choses deviennent tout à coup plus claires…. 




"La pire des choses ce n'est pas la méchanceté des gens mauvais, mais le silence des gens bien"
- Vous qu'est-ce que vous faites?
"On ne donne pas la parole à quelqu'un, quelqu'un arrache la parole!" C'est pour vous dire ceci: si vous allez dormir dans votre case là, et vous croyez qu'il y a  quelqu'un d'autre qui va se lever parce que vous êtes fatiguées, ouvrir sa tête à lui, réfléchir à votre place afin que vous puissiez continuer à dormir dans votre case?… vous avez menti, il n'y aura personne. Et c'est comme-ça que ça se passe! - Si ça se passe comme-ça c'est parce qu'on regarde l'autre. Lorsqu'on se dit: "Il faut que les autres là fassent quelque chose". Les autres c'est qui?

 C'est comme l'histoire des souris qui se rassemblent pour lutter contre le chat. La plus intelligente des souris a dit: -  j'ai trouvé! On va le mettre une clochette au cou, et chaque fois qu'il s'approchera, ça sonnera et nous on pourra fuir. Tout le monde a applaudi, mais quand on a sorti la clochette pour tenter de désigner celui qui l'accrochera au cou du chat, on a  trouvé personne pour aller la mettre.

- On ne libère pas un être, un homme se libère.

- Un esclavagiste ne devient pas libertin du jour au lendemain, ce n'est pas vrai! 
- Ce n'est pas vrai que l'Occident peut dire allez-y vous êtes libres… Ce n'est pas vrai! Ce n'est pas vrai que l'Occident veut notre bien…C'est pas vrai! Et il a raison parce que notre situation actuelle profite à ses intérêt, c'est humain! - Notre bonheur ne peut pas venir de ceux qui ont profité de notre esclavage et de notre état de dépendance, ce n'est pas vrai! Et c'est pourquoi lorsque l'occident dit que cette personne est bien, c'est que cette personne est bien (profitable) pour l'occident! C'est clair là, c'est humain! … Si vous défendez les intérêts des occidentaux, l'occident vous couronne! Maintenant, si vous défendez vos propres intérêts à vous, ça c'est autre chose… Les intérêts de votre propre peuple, ça c'est autre chose!
 Dès que vous défendez les intérêts occidentaux, il est en droit de faire de vous des "académiciens", "pape"… parce que tout ça, c'est son droit…

Il faut pas se leurrer, il faut être clairs! On dit en politique, les relations les plus bonnes se perdent dans" l'intérêt" comme le feu se jette dans la mer… C'est comme-ça en politique. C'est une question d'intérêt! C'est pas une question d'amitié, on n'aime personne!  Nous sommes plus noirs, t'auras béa te maquiller, devenir luisant, c'est pas ça! … ça changera rien, aux yeux des blancs tu es un Noir! Tu es un colonisé, c'est tout! Et si tu défends leurs intérêts ils te supportent, point! C'est pas plus compliqué là.

Aujourd'hui ils sont là pour nous parler de la francophonie, la maçonnerie, le machin-truc … C'est des histoires! C'est une question d'intérêt.

-  Personne ne nous donnera la liberté, personne ne nous donnera l'indépendance.
- Le voleur qui nous vole a raison, c'est vous qui avez tort de vous laisser voler!

"La pire des choses ce n'est pas la méchanceté des gens mauvais, c'est le silence des gens bien"





VOUS QU'EST-CE QUE VOUS FAITES?

dimanche 19 octobre 2008

"Jeux réfugié" Online









Un jeu gratuit destiné aux plus jeunes comme aux plus grands aide à mieux comprendre les difficultés des réfugiés dans notre monde.

Se faire arrêter par la police, être interrogé, battre et être battu! Puis fuir le pays, apprendre une nouvelle langue et recommencer une nouvelle vie : voici les différents chapitres de la vie de milliers de réfugiés. Et aussi d' envers et contre tout.org, un jeu vidéo crée par les Nations Unies.

Divisé en trois chapitres, composés chacun de 4 jeux très différents (donner les bonnes réponses aux policiers, trouver un refuge ou encore se faire de nouveaux amis), cette simulation nous apprend beaucoup sur les conditions de vie des réfugiés sans jamais faire la morale.
Pour accompagner son aspect ludique, le site contient une foule d’informations et de témoignages. De nos jours on ne doit pas oublier que ce genre d’ »aventure » n’arrive pas seulement à la télé.

www.enversetcontretout.org



En revenant à la réalité, voici quelques sites avec des pistes pour aider: REFUGEE COUNCIL, CICR, InterAction, IOM-OIM, HUMAN RIGHTS WATCH.

La Haine de l’Occident




Ils sont des milliers chaque année à tenter de franchir les frontières de l’Occident, les gens du Sud ont cependant la haine envers ceux qui les attirent ! Voilà un étrange paradoxe…

La haine envers cet Occident qui les a exploités et les exploite encore et toujours, cet Occident qui ne les écoute pas, leur impose ses concepts économiques et recettes pour un monde meilleur. C’est ce phénomène, trop souvent ignoré qu’explique l’imminent sociologue Jean Zisgler dans son dernier ouvrage.

La haine de l’Occident. La haine du jeune congolais qui se demande pourquoi le blanc obtient si facilement un visa pour visiter la brousse africaine alors qu’à lui on lui refuse un visa quand il veut rendre visite à son frère qui se trouve à Strasbourg. Celle de l’étudiante sénégalaise révoltée contre Nicolas Sarkozy, lorsqu’il s’entend dire : « Le drame de l’Afrique, c’est que l’homme africain n’est pas assez entré dans l’histoire ». Celle encore du paysan mexicain qui crève de faim, parce qu’il a abandonné ses champs de maïs faute de rentabilité face aux productions américaines subventionnées inondant le marché.

Jean Ziegler se penche au chevet de deux pays pour étayer sa démonstration : le Nigeria et la Bolivie, qu’il a sillonné récemment. Au Nigeria, le pétrole coule à flots, soit 2,6 millions de barils de brut par jour. Pourtant, tout déraille. En quoi l’Occident est-il responsable ? – vous demanderez-vous. Il y a d’abord eu la guerre du Biafra, dans les années 60, attisée par les français d’Elf. Pour s’assurer l’accès aux champs pétrolifères et gaziers alors que l’état fédéral voulait mettre fin à leurs concessions, ils auraient armé les indépendantistes.

Puis vint le joyeux temps de la corruption qui gangrène la société de bas en haut depuis des décennies. Et où atterrit le profit ? Banco ! pour les places financières occidentales. Et rebanco pour toutes les compagnies pétrolières qui ont pignon sur rue et savent bien qu’ils partagent leurs juteux bénéfices non pas avec la population nigériane, dont 70% vit avec moins de deux dollars par jour, mais avec une poignée de dirigeants qui savent leur parler.

Selon « Le Monde », ces derniers auraient détourné 352 milliards de dollars depuis l’indépendance. La Banque mondiale qui n’est certainement pas dupe, verse néanmoins chaque année 2 milliards au Nigéria. Cadeau de consolation ? Enfin, alors que les gouvernements occidentaux sont toujours prêts à hurler à la fraude électorale lorsqu’il n’y a aucun intérêt économique majeur en jeu – Exemple au Zimbabwe – il n’y va pas de même au Nigéria où on s’incline devant l’heureux élu et qu’importe les bourrages d’urnes et autres embrouilles.

Jean Ziegler évoque également le résultat calamiteux de la Conférence de Durban sur le racisme, la difficulté des occidentaux à reconnaître le rôle « négatif » de la colonisation et cette schizophrénie qui consiste à signer des traités et à ne les appliquer qu’en fonction d’intérêts propres. Exemple avec la lutte contre le terrorisme d’un certain Bush et de ces célèbres dérives (Guantanamo etc..).

Pour le sociologue les haines s’empilent et paralysent de plus en plus les négociations internationales au même titre que le véto des grandes puissances représentées au Conseil de sécurité. Il serait d’y voir clair…

Comme toujours avec Jean Ziegler, il y a d’un côté les bons et de l’autre les méchants. On ne saurait trop le lui reprocher lorsqu’il met le doigt sur les dangereuses failles de ce monde.


Ed. Albin Michel / Paru le 2 octobre 2008


lundi 22 septembre 2008

La Forteresse (Fernand Melgar)


Je vous invite à découvrir un docu-film édifiant, empreint de sensibilité et d’humanisme. Tourné au CENTRE D’ENREGISTREMENT ET DE PROCÉDURE DE VALLORBE, presque à hui clos – à ciel ouvert dans un décor d’Alcatraz où les gardiens font tout pour que les prisonniers s’en sortent ! …





Synopsis:

Des femmes, des hommes et des enfants, Roms, Togolais, Géorgiens, Kosovars ou Colombiens, affluent chaque semaine aux portes de la Suisse. Ils fuient la guerre, la dictature, les persécutions ou les déséquilibres climatiques et économiques. Après un voyage souvent effectué au péril de leur vie, ils sont dirigés vers l’un des cinq Centres d’enregistrement et de procédure parmi lesquels celui de Vallorbe. Dans ce lieu de transit austère, soumis à un régime de semi-détention et à une oisiveté forcée, les requérants attendent que la Confédération décide de leur sort.

«Souvent, ils me disent que le vent va tourner et la chance leur sourire. Il y a des requérants dont je me souviendrai toute ma vie, des auditions qui m’ont laissé complètement épuisé, vidé sur le plan humain, tellement c’était douloureux.» - Monsieur Olivier, auditeur fédéral

En face, des hommes et des femmes, d’origines diverses eux aussi, gèrent l’accueil des requérants et leur séjour. C’est à eux qu’incombe la lourde tâche d’appliquer la loi la plus restrictive d’Europe en matière d’asile – plébiscitée en septembre 2006 – et de décider, sur la base de deux auditions, du bien-fondé des demandes. Entre ce personnel et les requérants, les regards s’échangent, tantôt bienveillants, tantôt méfiants, souvent interrogateurs et parfois fuyants. Le film offre ainsi un éclairage sur une réalité où les clivages culturels et les différences de statut – décideurs d’une part, solliciteurs de l’autre – sont le lot quotidien.

LA FORTERESSE nous plonge au cœur de ce tri quotidien d’êtres humains. Ancien hôtel de luxe aujourd’hui entouré de barbelés, l’accès au Centre avec une caméra n’a été autorisé qu’au terme de longues négociations avec les autorités. Une démarche inédite donc, qui saisit sur le vif et avec un profond respect des bribes de destins, des échanges forts qui marquent la vie du Centre. Avec une densité narrative proche de la fiction, le film suit ses «personnages» dans leur douleur, leur incertitude et leur joie. Au-delà des partis pris, avec sensibilité et émotion, c’est un condensé d’humanité qui s’offre au spectateur. Inévitablement, le film pose la question du rapport que l’on entretient à l’autre en tant que citoyen, mais surtout en tant qu’être humain.

«Nous on ne sait pas d’où ils viennent et eux ne savent pas où ils vont.» - Madame Estrella de l’assistance


Documentaire - Suisse - 100’ - 35mm - 1 :1.66 - dolby SRD


jeudi 11 septembre 2008

In Koli Jean Bofane « Mathématiques congolaises »

Un livre a ne pas manquer cette année.

Voici quelques extraits:


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In Koli Jean Bofane « Mathématiques congolaises »






Chapitre I

LA SARABANDE DES NOMBRES

p. 25-26

Entretemps, la Faim, au milieu de la population, gagnait du terrain, faisait des ravages considérables.

Elle progressait en rampant, impitoyable comme un python à deux têtes. Elle se lovait dans les ventres pareil à un reptile particulièrement hargneux creusant le vide total autour de sa personne. Ses victimes avaient appris à subir sa loi.

En début de journée, avant qu’elle ne se manifeste, on n’y pensait pas trop, absorbé par le labeur qui permettrait justement de manger et ainsi obtenir un sursis. On faisait semblant d’oublier, mais l’angoisse persistait à chaque moment.

En début d’après-midi, avec le soleil de plomb qui accélère la déshydratation, cela devenait plus compliqué. L’animal qui, depuis longtemps, avait pris la place des viscères, manifestait sa présence en affaiblissant le métabolisme, se nourrissant de chair et d’autres substances vitales. On était obligé de vivre sur ses maigres réserves. L’effort faisait trembler les membres, rendait les mains moites et froides, le cœur avait tendance à s’emballer. Pour calmer la bête on lui faisait alors une offrande d’eau froide, pour qu’elle se sente glorifiée. Cela ne durait pas, car juste après, elle jouait sur le cerveau et d’autres organes de la volonté et du sens combatif. On pouvait avoir tendance à quémander et à mendier. Certains devenaient même implorants, parce qu’elle laminait, de son ventre rêche des choses aussi précieuses que l’orgueil et la fierté. Elle était omniprésente et omnipotente. On ne conjuguait plus le verbe « avoir faim ». À la question de savoir comment on pouvait aller, la réponse était « Nzala ! », « la Faim ! ». elle s’était institutionnalisée.

Mais malgré ses faces peu avenantes et la répulsion qu’elle inspirait, on disait que des images d’elle se vendaient très cher à l’étranger. La Faim cherchait ainsi à acquérir des lettres de noblesse. On l’évoquait pour se justifier, pour obtenir des circonstances atténuantes en cas de faute grave. La Faim participait pleinement à la rédemption des individus. D’ailleurs c’était le seul gain qu’on pouvait en espérer. En dehors de cela, elle était comme un poison qui détruit les corps, en les transformant en proies idéales pour la malaria et la bilharziose.



Chapitre III

L’ASCENSION DE L’HYPOTÉNUSE

p. 84-85

- La démocratie chez nous ne marche pas parce que nos politiciens sont des brigands et des voleurs ! avança le bigame. Vieux Isemanga ne se laissa pas démonter.

- Et vous croyez qu’en Occident il y a moins de brigands et de voleurs ? Non. Si leur système politique fonctionne, tant bien que mal, c’est parce qu’il est issu de leur propre civilisation, il coule de source. Chez nous, pour construire notre propre modèle politique, nous devrions nous référer plus à nos racines, aux lois et principes qui gouvernaient nos sociétés avant l’arrivée de l’homme blanc. D’ailleurs tout cela ne serait pas arrivé s’il n’y avait pas eu les missionnaires. Un murmure de scepticisme s’éleva dans la petite assemblée. Vieux Isemanga poursuivit sa démonstration imperturbable.

- Savez-vous comment s’est installé le premier blanc dans ma région de Monkoto ? Devant le silence de ses interlocuteurs, le vieux continua.

- Et savez-vous pourquoi tous les missionnaires avaient tous la même apparence ? Pour nous dupe ! Répondit-il lui-même. Devant son auditoire incrédule, Isemanga expliqua ce que ses pères lui avaient relaté jadis.

- La première expédition qui arriva dans cette contrée reculée de l’Equateur, petits, se composait comme d’habitude d’un explorateur ou deux, de quelques soldats, de porteurs et d’un missionnaire en avant de la colonne, portant toujours barbiche poivre et sel, longue soutane blanche, sandales en cuir, casque colonial. Evidemment, au plus profond de la forêt, ils tombèrent dans l’embuscade tondue par mes pères et mes oncles. Ceux-ci tuèrent toute la troupe de quelques flèches bien placées. Là, petits ! Insista-t-il en indiquant son flanc, sous le bras gauche, près du cœur.

- On goûta même un peu de cet animal à peau blanche qui se tenait debout. Devant le goût insipide de la viande, on oublia très vite l’incident. Des mois plus tard, une seconde expédition fut envoyée par les Blancs et connut le même sort. Mais, petits, le type avec la barbichette poivre et sel, sa longue soutane blanche, ses sandales en cuir, son casque colonial était de nouveau là. Toujours avec le même discours, les bras levés : « Mes frères, mes frères ! » On ne lui a pas laissé une deuxième chance, on lui a envoyé une deuxième flèche. Là, petits ! Montrant encore son côté gauche.

- Puis il y eut la troisième expédition. On a encore tué tout le monde, mais cette fois-ci, petits, quand le même type à la barbiche, soutane et sandales a crié les mains levées : « Mes frères, mes frères ! » Intrigués par son invincibilité, mes pères et mes oncles lui ont laissé la vie sauve pour le sommer de s’expliquer. Il leur a raconté l’histoire d’un Juif qu’il était censé représenter, qui déjà à l’époque, ressuscitait encore plus rapidement que lui. En trois jours. A partir de là, petits, on a été foutus. C’est ainsi que la colonisation s’est introduite par la duplicité et la ruse dans la région de Monkoto. Les auditeurs présents, évidemment, s’éclaffèrent.