Noire beauté à Arlaud
Initiateur avec Michel Bory des Plans-fixes ou portraits de personnalités romandes filmées sans mouvement de caméra, Jean Mayerat s’est lancé dans une aventure tout à fait originale. Ayant repéré chez Rembrandt les vertus d’une composition sur fond noir, il en a fait le concept d’un travail de recherche en s’attelant à la photographie de corps et visages de femmes noires africaines vivant en Europe. Des photos sur fond noir, celui-ci figurant «la part inconnue du passé» selon Mayerat.
Caspary - 26/01/2008
EXPOSITION - A Lausanne, le photographe et cinéaste rollois Jean Mayerat propose 51 photos de femmes noires. Insolite.
Initiateur avec Michel Bory des Plans-fixes ou portraits de personnalités romandes filmées sans mouvement de caméra, Jean Mayerat s’est lancé dans une aventure tout à fait originale. Ayant repéré chez Rembrandt les vertus d’une composition sur fond noir, il en a fait le concept d’un travail de recherche en s’attelant à la photographie de corps et visages de femmes noires africaines vivant en Europe. Des photos sur fond noir, celui-ci figurant «la part inconnue du passé» selon Mayerat.
Prise de conscience
Ces modèles – au nombre de quinze – ont été confrontés à une thématique empruntée à la propre histoire de leur société. Celle-ci passe de la résignation à l’éveil de la liberté. Des peaux naissant du noir, «comme si à travers le temps et l’histoire le corps apparaissait dans la forme qu’il a aujourd’hui, par son occupation dans l’espace», note Jean Mayerat. Exprimer ainsi «la dignité naturelle du corps de la femme». De cette confrontation avec des femmes qui ont accepté l’enjeu, qu’elles viennent d’Ouganda, de Côte d’Ivoire, de Somalie ou d’ailleurs, sont nées des postures passives, résignées, figées, voire prostrées ou toniques. Des poses d’où affleure l’intériorité de l’être, la véritable préoccupation du photographe. Ces postures séduisent par une présence attachante et visuellement captivante. Elles ressemblent parfois à des reproductions de sculptures, comme le mouvement d’envol qu’exprime une jeune danseuse.
Pas de sophistication. Rien que du naturel d’où s’exclut tout érotisme primaire et dérangeant. La lumière parfaitement maîtrisée par le photographe donne aux corps et aux visages une forme de spiritualité qu’un Senghor avait naguère prônée. Et l’ensemble de l’exposition est comme une ouverture sur le monde noir, bien plus parlante que tout discours. Ces corps ou ces visages sont comme un appel à une prise de conscience d’une remarquable densité. Un précieux salut à la présence africaine dans nos contrées. A voir absolument.