Aujourd’hui je salue et je pleure l’homme qui à travers sa « fierté d’être noir » a su relever l’homme Noir à son rang humain. Le petit père du peuple m’a aidé par sa poésie et son profond humanisme à me lever et me défaire de mon esclavage mental. De Césaire il s’agit.
L’homme libre et libérateur, l’homme qui m’a bouleversé par la vérité de sa poésie et de son discours. Son aboutissement aura été pour moi celui d’un homme qui a remis à l’ordre du jour la dignité et l’authenticité de la civilisation noire. Je comprends aujourd’hui que la « négritude » c’est être débout et libre. C’est une expression d’espoir en l’homme par le voyage qu’il nous amène à faire à l’intérieur de notre conscience.
Il s’est investi d’une mission, celle de radier dans l’esprit nègre, la hiérarchie du colonisateur. La mythologie du colonisateur qui consiste à enfermer le nègre dans une « réalité de caste castratrice dont le Blanc se trouve en haut et le Noir tout en bas. Et lui rendre sa dignité car l’occident a profané la civilisation nègre, a manipulé son esprit à telle point que le Noir a fini par se haïr lui- même.
Aimé Césaire est cet homme dont je retiendrai … :
« Il faut que nous nègres, nous qui avons tant subit l’histoire, il faut aussi que nous fassions l’histoire. Cela veut dire agir, cela signifie apposer son histoire, apposer son empreinte, son sceaux ; l’empreinte d’un homme, l’empreinte d’un peuple, l’empreinte d’une culture sur la civilisation et sur le monde… — démoniaque n’est-ce pas ? Grandiloquent! Eh bien il y a aussi de ça en moi ! »
Aimé Césaire incarne une force révolutionnaire qui a révolutionné les Noirs contemporains et en particulier le nègre que je suis. Ce qui me touche dans sa poésie c’est que c’est un homme de liberté et de combat, un homme d’espoir. Un véritable alchimiste de la langue. Il arrive à dire poétiquement la vérité des choses dans leur dénuement. Un homme qui a su exprimer avec fulgurance des propos très profonds sur notre humanité.
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Aimé Césaire, précurseur, écrivain, poète, homme politique, inventeur du concept de « Négritude »
pour lire plus consultez: http://aime-cesaire.blogspot.com
Aimé Fernand Césaire est né le 26 juin 1913 à Basse pointe en Martinique. Le jeune Aimé est issu d’une famille de six frères et sœurs. Son grand-père est le premier Noir enseignant en Martinique, sa grand-mère de façon inhabituelle pour une femme de sa génération, savait lire et écrire et apprit à ses petits enfants à lire très tôt.
La famille d'Aimé Césaire, notamment son père, attache une grande importance à l'éducation et il n'est pas étonnant que le jeune Aimé Césaire se montre brillant élève. Il obtient une bourse pour le lycée Schoelcher qui est alors le seul lycée dans toutes les colonies françaises de la Caraïbe. Il y fréquente entre autres Léon Gontran Damas et Auguste Boucolon (frère aîné de Maryse Condé).
Avec des prix d’excellence en français, anglais, latin et histoire, Césaire est le meilleur élève de sa classe et obtient une nouvelle bourse pour le lycée Louis-Le-Grand, où il préparera le concours d’entrée a la prestigieuse école normale supérieure. Il se destine alors à l’enseignement.
Césaire arrive à Paris en 1931, au lycée Louis-Le-Grand. Son arrivée en métropole constitue un choc pour lui puisqu’il réalise qu’il n’est pas considéré comme un égal. Dans sa Martinique natale, la langue utilisée à la maison était le français, et à l’école le classique refrain « nos ancêtres les gaulois » était enseigné. A Paris, il est considéré au mieux comme un Noir (donc inférieur), ou au pire comme un sauvage. Les principes assimilationnistes selon lesquels il a vécu en Martinique volent en éclat.
Mais le séjour parisien de Césaire marque aussi la rencontre avec Leopold Sedar Senghor, un jeune étudiant africain âgé de 25 ans, en provenance du Sénégal (Senghor sera le premier président du Sénégal nouvellement indépendant en 1960). Césaire dira plus tard qu’en rencontrant Senghor, il a rencontré l’Afrique, et a perçu d’une nouvelle façon ce continent pourtant déclaré irrémédiablement sauvage.
Césaire et Senghor deviennent très proches, sont influencés par les écrivains noirs américains de la « Harlem Renaissance » comme Langston Hughes, Claude Mc Kay, Countee Cullen et d’autres. Ils s’intéressent également aux travaux d’anthropologistes tels que Léo Frobenius ou Maurice Delafosse, qui leurs semblent moins hostiles et moins méprisants vis à vis des cultures africaines.
Les deux étudiants, sont également vivement concernés par les débats sur leur identité, cherchent à savoir qui ils sont. Ces questionnements feront de Césaire, de Senghor ainsi que d’un de leurs camarades, le guyanais Léon Gontran Damas, les inventeurs du fameux courant de la Négritude. Césaire sera admis à l'école normale et deviendra président de l'association des étudiants martiniquais en 1934.
Ils publient le journal « L’Etudiant Noir » qui paraîtra au cours des années 1935-1936 (6 numéros en deux ans) dans lequel ils défendent le concept de Négritude et essayent de créer un pont entre les étudiants africains et les étudiants originaires de la Caraïbe vivant à Paris. Il s’agissait notamment de corriger le préjugé que les étudiants antillais avaient vis à vis des africains qu’on leur avait appris à considérer comme des sauvages.
En 1936, Césaire retourne pour les vacances aux Antilles, qu’il redécouvre d’un œil nouveau, avec l’œil de l’ étudiant vivant à Paris, mais également à l’aune du concept de la Négritude. De cette vision naîtra le célèbre « Cahier d’un retour au pays natal », le premier pas d’une longue et riche carrière littéraire. Le poème sera publié une première fois en France en 1939, puis en 46, 47, et enfin en 1956, par les éditions « Présence Africaine ». (Césaire rencontrera plus tard André Breton, célèbre poète surréaliste qui enthousiasmé par la poésie Césairienne préfacera la première édition complète de "cahier d'un retour au pays natal", parue en 1946).
Césaire affirme sa vision fondée sur une compréhension nouvelle qu’il a de la « race » noire, de l’Afrique, de sa spiritualité, de ses problèmes...
Il dira plus tard en 1956, lors de la conférence des écrivains et artistes noirs, organisée par Présence Africaine, que « le problème de la culture noire ne peut pas être présentement être posé sans que soit posé simultanément le problème du colonialisme qui a interrompu le cours de l’histoire africaine, détruit la culture, la vie sociale et l’économie africaines, qui a lavé le cerveau des Noirs de la diaspora en leur faisant croire qu’ils étaient inférieurs. Césaire perçoit a cette époque la Négritude comme un mouvement culturel et politique, relié au nationalisme africains et à la libération des Noirs. »
A la suite de la conférence, l’écrivain afro-américain James Baldwin, écrit qu’il a compris qu’il y a un point que tous les Noirs ont en commun : "leur relation douloureuse avec le monde blanc."
A la fin des années 30, Césaire qui s’est marié à Suzanne Roussi (ils se marient en 1937 et auront ensemble quatre garçons et deux filles), une étudiante martiniquaise poursuivant comme lui ses études à Paris, retourne en Martinique. Ils sont tous les deux enseignants au lycée Schoelcher où Césaire aura pour élèves entre autres un futur révolutionnaire, Frantz Fanon, et un futur grand écrivain, Edouard Glissant. Césaire et sa femme éditent un journal, « Tropiques », qui pour la première fois rompt avec la tradition assimilationniste, rappelle les origines de la Martinique, et dans lequel ils vulgarisent le concept de Négritude, abordent les thèmes comme ceux de l’héritage africain, la traite des Noirs (sujet tabou à l'époque dans l'île) ou la critique du colonialisme.
Dans la Martinique dirigée par un envoyé du régime de Vichy, Césaire qui est leader d’opinion est quelque peu harcelé. A la fin de la guerre, il présente sa candidature à la mairie de Fort de France sous l'étiquette communiste. Il est élu maire de Fort-de-France à 32 ans, en 1945, puis un an plus tard, il devient député à l’assemblée nationale française. Comme beaucoup d'ex colonisés, Césaire est attiré par l’idéologie communiste qui prêche l’égalité raciale et l'anticolonialisme.
En 1946, Césaire, allant dans le sens de ce que demandent ses électeurs, défend la départementalisation de la Martinique, de la Guadeloupe, de la Guyane et de la Réunion, ex colonies françaises. Les martiniquais, sous sa houlette, font par leur vote de la Martinique un département français. Si on analyse cette prise de position sous le prisme de la Négritude, du militantisme, de l’engagement de Césaire, il est aisé de se rendre compte que Césaire va à l’encontre des concepts de Négritude, d’affirmation de la personnalité noire qu’il promeut. Il expliquera plus tard qu’il avait espéré être en position de force pour assurer un traitement d'égal à égal à la Martinique. Et il vrai que pour Césaire, départementalisation ne signifie pas assimilation au moule républicain de la France, ni perte de son identité ou sa culture, éléments essentiels pour lui.
En 1947, Césaire est l’un des fondateurs du journal « Présence Africaine » en compagnie de Léopold Sedar Senghor, Léon-Gontran Damas, Birago Diop et du malgache Jacques Rabemananjara. Le directeur de la publication est Alioune Diop, fondateur de la maison d’édition Présence Africaine (à laquelle Césaire lèguera bien plus tard les droits sur certaines de ses œuvres devenues des classiques). La maison d’édition, qui en est à ses débuts, est soutenue par Richard Wright, qui est un des membres de son conseil d’administration.
En 1950, Césaire publie un texte sur le colonialisme qui fait date, et qui demeure une référence plus d’une cinquantaine d’années après sa publication. Il s’agit du « Discours sur le colonialisme » (réédité en 1955 par "Présence Africaine").
Dans un pamphlet acerbe, Césaire se demande quelle est cette civilisation qui viole, qui pille et qui tue impunément. « On ne colonise pas innocemment » dit-il. Il y dénonce les contradictions occidentales. Césaire s'étonne ainsi qu'Ernest Renan, humaniste de gauche, considère la "race" blanche comme supérieure à toutes les autres, les Noirs se situant au bas de l’échelle alors que les asiatiques sont faits pour être ouvriers! ("J’ai honte de le dire" ironise Césaire, "mais celui qui parle ainsi est l'humaniste occidental, le philosophe idéaliste!"). Césaire est également l’un des premiers, sinon le premier, à dire que ce qu’on ne pardonne pas à Hitler, « ce n’est pas le crime en soi, le crime contre l'homme, ce n'est pas l'humiliation de l'homme en soi, mais le crime contre l’homme blanc ». Pour lui, Hitler a accompli au cœur de l’Europe ce que les puissances coloniales occidentales réservaient aux "coolies de l'Inde, aux Arabes d'Algérie et aux nègres d'Afrique" sans que cela n’émeuve grand monde au sein de la bourgeoisie bien pensante ou chez les humanistes distingués de cette première moitié du 20ème siècle.
Césaire fait également preuve de talents de visionnaire puisqu’ayant lu « Nations Nègres et Culture » de Cheikh Anta Diop, il qualifie le livre de ce dernier de « livre le plus important qu’un Nègre ait jamais écrit jusqu’ici, et qui comptera à n’en pas douter dans le réveil de l’Afrique ».
En 1956, Césaire déçu quitte la parti communiste avec fracas, et explique sa démission dans la fameuse « Lettre à Maurice Thorez ».
A son retour de Paris, Césaire qui avait été élu sous la bannière communiste démissionne de ses deux postes de maire et de député, puis crée sa propre formation politique, le parti progressiste martiniquais, et se représente à la mairie et à la députation. Il est réélu, alors que son parti remporte 82 % des suffrages. A partir de ce moment, Césaire fait campagne pour une autonomie de la Martinique, toujours à l’intérieur du système français car il ne voit pas la Martinique survivre sans le soutien économique français. Césaire se retirera de la vie politique en 1993, à l’âge de 80 ans.
Lors de la seconde conférence des écrivains et artistes noirs en 1959 à Rome, les propos de Césaire portent quasi-exclusivement sur les luttes de libération. « La vraie décolonisation sera révolutionnaire ou ne sera pas » tonne t-il.
Au niveau littéraire, Césaire s'attaque au théâtre dramatique. Dans « Et les chiens se taisaient » (1956), il aborde les thèmes des luttes de libération et de décolonisation. Sa pièce la plus connue est sans doute « La tragédie du roi Christophe » (1963): il y raconte comment Henri Christophe, qui hérite d’une île d’Haïti libre en 1807 devient un souverain despotique, et finit par se suicider en 1820. Césaire s’attaque ainsi à un problème qui deviendra crucial, celui du leadership dans les pays « noirs » libérés de la colonisation. « La tragédie du roi Christophe » a été jouée entre autres en 1963, lors du festival de Salzburg, lors du festival des arts nègres de Dakar en 1966, à Montréal en 1967, Milan, en Yougoslavie, en Martinique...
En réponse à l’assassinat de Patrice Lumumba, artisan de l’indépendance du Congo, Césaire écrit « une saison au Congo ». La pièce ne sera jouée pour sa première à Bruxelles en 1966 que grâce à l’intervention d’amis influents de Césaire. Dans la pièce, Césaire analyse l’évolution du Congo, du statut d’ex colonie belge à celui d’Etat indépendant, ainsi que les manipulations mises en œuvre aussi bien par les adversaires de Lumumba (le gouvernement belge et ses alliés dans le monde des affaires), que par ses rivaux congolais qui aboutissent finalement à l’assassinat d’un leader pourtant démocratiquement élu. Il abordera aussi dans « une tempête » le thème de la question raciale aux Etats-Unis. Césaire dira plus tard qu'il aime s'attaquer aux "thèmes chauds".
Dès la fin des années 60, Césaire est considéré comme l’un des plus grands, si ce n’est le plus grand, écrivain du monde afro-caribéen. (Il a par exemple l'honneur de recevoir du Cameroun en 1969 des timbres émis en son honneur dans ce pays).
Césaire conservera une activité politique continue, et sa stature est telle qu’il sera député de la Martinique pendant 47 ans (de 1946 à 1993), et maire de Fort-de-France pendant 56 ans (de 1945 à 2001).
En 1995, un documentaire en trois parties « Aimé Césaire, une voix pour l’histoire » est réalisé par la célèbre cinéaste martiniquaise Euzhan Palcy qui doit en partie sa carrière à Aimé Césaire qui l’a soutenue à ses débuts (faisant notamment voter par la mairie de Fort de France un budget pour l’aider à réaliser son premier film « Rues Cases Nègres », qui connaîtra un énorme succès).
Dans une interview précédant une cérémonie spéciale en son honneur organisée par l’UNESCO en 1997, Césaire réaffirme ce qu’il avait dit lors du festival des arts nègres de Dakar en 1966: "une indépendance purement politique, non accompagnée et soutenue par une indépendance culturelle, s’avère sur le long terme le moins fiable des boucliers (...)"
Toujours vivant en ce début de 21ème siècle, Aimé Césaire a traversé tout le 20ème siècle qu'il a marqué de son empreinte par sa pertinence, sa réflexion, son engagement, son talent littéraire. Les événements récents aux Antilles, en Haïti, en France métropolitaine ou sur le continent africain démontrent l'incroyable actualité de la pensée de Césaire. L'intérêt pour son œuvre désormais intemporelle ne se dément pas, faisant par exemple de Césaire l’auteur non africain le plus étudié en Afrique, et sans doute aussi l'un de ceux avec lesquels la jeunesse de ce continent se trouve le plus d’affinités.